II - L'émeraude de pouvoir

Sophia se réveilla sur le sol de pierre froid comme la glace. Cela faisait maintenant deux jours qu’ils étaient là. On leur apportait de la nourriture, mais ils n’avaient pas de nouvelles du prêtre.
- Nous aurions dû nous battre, fit Chiron, qui était enchaîné dans la cellule opposée avec Sirus.
- Quoi? répondit Sirus d’un air absent.
- Quand le prêtre nous a emprisonnés… Nous aurions dû nous battre.
- Ce n’était pas sage, Chiron, intervint Sophia de son habituelle voix enchanteresse. Nous ne leur sommes pas hostiles, s’ils le comprennent, nous pourrons alors nous diriger vers le nord.
- Tu es optimiste, Sophia, grogna Sirus. Un peu trop. Il est évident que nous n’allons pas nous en sortir indemnes.
- Fais-moi confiance, ajouta simplement la jeune femme.
La prêtresse se releva, grelottante dans cette cellule si humide. Elle n’avait pas pu se laver depuis ces deux jours de captivité, et sa robe s’était progressivement noircie lors de ses deux nuits, souillée par la crasse. Se mettant à genoux, assise sur ses talons, elle attendit, fermant les yeux, méditant comme à son habitude. Chiron et Sirus, quant à eux, attendaient, réfléchissant à un moyen de sortir au plus vite, mais en vain.
Lorsque la porte s’ouvrit pour laisser apparaître les gardes qui leur apportaient le repas, le prêtre était parmi eux. Il observa d’abord le centaure et l’Égyptien avec dédain avant de fixer Sophia avec un sourire malsain. La prêtresse rouvrit les paupières et posa sur lui ses yeux azurés.
- J’ai pris ma décision, dit le religieux.
Il marqua un temps d’arrêt pour faire languir les prisonniers. Tous attendaient en silence qu’il prononce son jugement.
- Vous serez exécutés demain à la première lueur de l’aube. Profitez bien de vos derniers instants!
Il posa un dernier regard gourmand sur la jeune femme avant de sortir, suivi par les gardes, laissant les prisonniers plongés dans l’angoisse de l’attente. Un décompte mortel pesait à présent sur eux. Sirus et Chiron avaient une mine déconfite, mais Sophia demeura impassible, regardant ses compagnons avec un regard aussi doux et délicat que sa propre voix.
- Te faire confiance, hein? fit Sirus d’un ton dédaigneux. Eh bien, c’est l’occasion de nous montrer pourquoi tu as dis ça…
- Tu peux en effet lui faire confiance, dit un faucon qui s’était glissé entre les barreaux d’acier d’une des fenêtres.
- Ne peux-tu pas nous sortir d’ici? demanda l’Égyptien, un peu rassuré par la présence de son guide.
- Je n’aurai pas besoin d’agir.
L’animal posa ses yeux ténébreux sur Sophia qui lui rendit un instant ce regard avant de fermer les yeux de nouveau.
- Ô, Zeus, entendez ma prière. Pour nous permettre d’accomplir notre mission, libérez-nous de nos chaînes et aidez-nous à quitter cette île…
Chiron observa la prêtresse avec curiosité. Avait-elle vraiment le pouvoir d’invoquer Zeus? Ou au moins de lui demander de l’aide, de cette façon? Si tel était le cas, quel intérêt Zeus aurait-il à aider une mortelle? Était-ce uniquement pour la quête des pierres? Le silence s’instaura. Rien ne se passait, ce qui arracha un sourire dédaigneux à Sirus.
- Si tu veux nous sortir de là, utilise au moins un moyen plausible. Invoquer les dieux, comme s’ils n’avaient que ça à faire…
Totalement indifférente à cette remarque, Sophia répéta sa prière, une deuxième, puis une troisième fois. Rien ne se passait. Jusqu’à ce que des cris retentissent au-dehors, des ordres de combat, des cris de guerre furieux, des cris d’effroi aussi. La porte s’ouvrit bientôt à la volée et une créature semblable à un être humain, mais taillée à même la pierre, s’avança vers eux, clés en main.
- Un golem… marmonna Chiron en regardant le nouvel arrivant ouvrir la porte de sa cellule avant de les libérer, Sirus et lui, de leurs chaînes.
Tandis que la créature allait libérer Sophia, le centaure posa sur elle un regard méfiant, cette fois. Que lui cachait-elle? D’où lui venait cette puissance? Le prêtre leur avait dit qu’aucune créature ne s’attaquait à l’île… Était-elle à l’origine de l’apparition du golem?
- Dis-moi, Sophia, est-ce toi qui as amené cette créature en ces lieux? demanda-t-il d’un ton qui se voulait sec.
Le golem prit la parole en premier et s’exprima d’une voix rocailleuse.
- Vous devez partir. Venez, un bateau vous attend.
Chiron et Sirus passèrent devant Sophia en lui adressant un regard toujours plus méfiant. Escorté par le golem, le groupe put quitter le palais sans mal, ne rencontrant que des gardes assommés ou, pour ceux qui s’étaient montrés trop téméraires, morts. Deux autres golems les attendaient, décidés eux aussi à les escorter. C’était à la fois effrayant et fascinant.
Ils traversèrent la ville, les habitants terrifiés étant épargnés par les créatures qui ne leur prêtaient aucune attention, et arrivèrent bientôt au port, où une troupe de soldats les attendait.
- Halte! fit le chef, vêtu d’un casque orné plus finement que celui des autres hommes. Vous ne quitterez pas l’île! Pas en vie!
- Laissez-nous passer, grogna l’un des golems. Si vous ne vous écartez pas, vos petites têtes seront vites réduites en bouillie.
Quelques militaires déglutirent mais tous semblaient vouloir faire front malgré tout.
- Bon, tant pis…
Deux des trois golems se ruèrent sur les soldats, le dernier restant à proximité du groupe pour les protéger. Dans une violence inouïe, les soldats étaient projetés les uns sur les autres ou catapultés vers la mer. La force des créatures de pierre était stupéfiante. Chiron grimaçait devant une telle violence, et Sirus admirait la force et le style de combat de ces créatures. Sophia, en revanche, gardait cet air calme qu’elle avait sans cesse. Son visage, qui de par sa pureté la rendait incroyablement belle, commençait à devenir déroutant. Elle était habituée à voir des combats, la mort ne semblait plus l’affecter. Lorsque la bataille fut terminée, l’un des golem rendit son arme à Sirus.
- Tiens, dit-il. Je l’ai trouvée dans le palais. Je suppose qu’elle t’appartient, elle est de facture égyptienne.
- Merci, répondit Sirus avec un sourire de gratitude.
- Partez, maintenant.
Le golem s’écarta et leur désigna un navire prêt à partir, avec un marin à son bord, apparemment désireux de les aider.
- Salut! dit-il joyeusement. J’ai entendu dire que vous vouliez partir vers le nord! Je suis votre homme!
Chiron et Sirus montèrent sans plus attendre tandis que Sophia se tournait vers l’un des golems.
- Et le prêtre? demanda-t-elle.
- C’est le seul que nous ayons pris plaisir à tuer, répondit le golem.
- Je vois…
Sophia posa une main sur le bras rocailleux et la fit glisser lentement alors qu’elle s’en allait. Puis elle rejoignit les autres et l’embarcation quitta l’île, faisant route vers le nord.

Circée ouvrit les yeux, où était elle? Elle se leva doucement, le sol était flasque et gluant, elle se sentait épuisée, comment sortant d'un terrible cauchemar. Elle regarda autour d'elle et fut pour le moins stupéfaite, elle était à la sortit d'une plaie béante dessinée sur le Kraken, écouché sur la plage, gémissant en rendant ses derniers soupirs. L'immense créature ressemblait beaucoup à un poulpe comme ça. La plaie elle faisait toute la longueur de son corps et elle était parfaitement rectiligne, comme si on avait volontairement ouvert le Kraken. Elle se releva en enlevant les bouts de la chair et le sang du Kraken sur son magnifique corps en râlant. Alors qu'elle avançait sur le sable elle constata la présence devant l'oeil du Kraken, qui semblait le regarder, un homme, un homme au teint Mat assez grand et costaud, vêtu d'une armure faisant penser à des écailles de poisson et armé d'une magnifique lance d'or. Il fixait l'oeil du Kraken, d'un regard dur et froid, puis il donna soudain un coup de lance dans l'air dont le bruit résonna à plusieurs kilomètres aux alentours. Puis un trait lumineux se dessina sur la tête du Kraken qui se fendit soudainement en deux comme du papier. L'homme se retourna et alla vers Circée stupéfaite par ce que venait de faire cet homme. Le nouveau venu arriva devant elle et fit d'un ton calme:
- Bonjour nymphe, je me présente mon nom est Chrysaor.
- C'est toi qui m'a sauvée? Tu as l'air plutôt fort, fit Circée en le détaillant du regard.
- Je ne dois mon pouvoir qu'à la lance d'or que m'a offert mon père Poséidon, l'empereur des mers.
- Oh! Fit Circée stupéfaite, tu es donc le plus valeureux guerrier de Poséidon, son propre fils Chrysaor, je me souviens maintenant. Ton père m'avait autrefois menacé de faire appel à toi, on dit que rien ne résiste à ta lance d'or.
- En effet, je sais que tu as eu quelques différents avec mon père, mais saches que Poséidon est un dieu qui peut se montrer bon, il m'a demander de te sauver des griffes du Kraken, un monstre qu'il a lui même créé.
- C'est le moins qu'il puisse faire après le nombre d'année que j'ai passé prisonnière de cette fichue île!
Soudain, Chrysaor fit un très léger mouvement avec sa lance et la joue de Circée fut eraflée en aussi peu de temps qu'il n'en faut pour le dire.
- Fais attention à ce que tu dis nymphe, fit Chrysaor, toujours aussi impassible, je ne tolère pas comme mon père, que l'on s'en prenne à un Dieu. Tu devrais le vénérer à genoux pour t'avoir accorder le pardon.
Circée ne répondit pas, elle fronça les sourcils. Elle prit le sang qui coulait de sa joue avec son index gauche et le porta doucement à sa bouche pour le lécher dans un geste très sensuel. Ce qui ne destabilisa absolument pas Chrysaor. Circée esquissa un léger sourire et fit alors:
- Je suppose que pour être entièrement pardonnée le fils de Poséidon va me demander une corvée à accomplir pour lui je me trompes?
- On ne peut rien te cacher nymphe. En effet Posédion aimerait que tu fasses équipe avec un homme se trouvant sur cette île. Tu dois le trouver, et le convaincre de t'aider à retrouver son trident.
- Comment? Fit Circée en écarquillant les yeux, Poséidon aurait donc perdu son Trident?!
- C'est plus compliqué que ça, Poséidon n'a pas vraiment approuvé les derniers ordres de son frère Zeus, estimant qu'il n'aurait pas dut s'attaquer à ma cité et à mon peuple.
- Ta cité et ton peuple ont été détruit par Zeus?
- Tout à fait, pour ainsi éloigner les voleurs et inspirer la terreur aux hommes. Je ne suis désormais plus un roi, je n'ai plus de guerre à mener. Posédion a refait de moi son porte parole et son bras droit. Mon père a fait savoir au ciel qu'il était contre les actes du roi des dieux, pour le punir, Athéna, fille de Zeus, et éternelle rivale de Posédion emprisona son trident au cap souillon, une prison secrète située sous le sanctuaire d'Athènes, recouverte par les eaux.
- Hum je vois, donc en gros Posédion veut récuperer son Trident et c'est à moi qu'il fait appel ainsi qu'à cet homme que je dois trouver c'est celà?
- Oui tout à fait, quand cette tâche sera terminée je viendrai à toi reprendre le trident, oh et j'oubliais, quand ce sera terminé tu rejoindras tes anciens coéquipers.
- Tu plaisantes? Ils ont essayer de me tuer?!
- Parmis eux se trouvent Sophia, cette prêtresse est la seule survivante du massacre de mon peuple, Zeus l'a sauvée de son propre cataclysme de la même manière que mon propre père m'a sauvé. Cette prêtresse est importante pour Zeus, Poséidon aimerait que tu la côtois et que tu récoltes des informations sur elle.
- Je vois, Zeus n'a pas que des amis apparemment ... C'est bon j'ai tout compris, de toute façon je n'ai pas le choix n'est-ce pas?
- En effet, j'aimerais éviter de t'y contraindre par la force.
- Pfff, il est inutile que je me batte contre toi étant donné que mon charme n'opère pas avec le fils d'un Dieu. Je vais commencer par trouver cet homme, où est-il?
- Il se trouve sur cette île, dans la dense forêt, on le surnomme Cauchemar, on dit qu'il est réputé pour sa folie meurtrière.
- Cet homme a l'air déjà plus interressant que mes ex compagnons. Soit je vais aller le trouver et accomplir cette tâche mais j'espère que l'empereur des mers me sera redevable!
- Bien sur, Poséidon te sera reconnaissant. Bien cette discussion est terminée, au revoir Circée, et n'oublie pas, Zeus et tes compagnons ne doivent rien savoir de cette rencontre.
Sur ces mots une vague emporta Chrysaor qui disparut ensuite dans la mer comme par enchantement. Circée elle se mit à ricaner, sa vie était sauve, il lui fallait maintenant jouer un double jeu, ce serait surement une excellente occasion de se venger de ses anciens compagnons, ils payeraient pour avoir tenter de la tuer!